Parmi les modèles expérimentaux utilisés pour déterminer les effets de substances chimiques sur le cerveau, nage le poisson-zèbre. Mais comment des études avec des poissons peuvent-elles être valables pour comprendre comment les contaminants peuvent affecter la santé humaine et quels types de conclusions peut-on vraiment en tirer?
En moins de 24 heures, l’embryon du poisson-zèbre évolue d’une seule cellule à un système cérébral avancé. C’est ce qu’on appelle s’activer les neuronesCellules qui forment la base du système nerveux. En communiquant entre eux via les neurotransmetteurs, les neurones transmettent de l'information et nous permettent de voir, sentir, toucher, goûter et penser. Les neurones sont donc à l’origine de l’ensemble de nos perceptions, cognitions et actions.! Même si la ressemblance physique entre le poisson-zèbre et l’humain n’est pas des plus évidentes, l’homologie génétique, soit la comparaison entre les génomes des organismes, est étonnamment élevée. En effet, près de 70% des gènes retrouvés chez l’humain sont aussi exprimés chez le poisson [1]. Cette ressemblance génétique, son développement neuronal « accéléré » et le fait que le poisson zèbre soit un vertébré contribuent grandement à la pertinence du poisson-zèbre comme modèle animal pour étudier la santé humaine en laboratoire.
Le poisson-zèbre est de plus en plus utilisé notamment pour les recherches sur les maladies neurodégénératives, les effets des opioïdes, l’épilepsie, les problèmes reliés à la reproduction et la toxicologie des contaminants de notre environnement. En fait, nos connaissances sur la toxicité des polluants environnementaux ainsi que leurs effets sur le développement du cerveau gagnent du terrain notamment grâce aux recherches réalisées à l’aide des poissons-zèbres.
Image prise au microscope optique à fond clair d’embryons de poissons-zèbres (d’environ 24 heures suivant la fertilisation de l’œuf). On voit l’embryon entouré du chorion, soit l’enveloppe la plus externe de l’œuf. On peut remarquer aussi la transparence des embryons due à l’absence de pigments.
Divers effets pour divers contaminants
Une simple exposition à divers contaminants chez le poisson-zèbre permet de prédire leurs effets sur les neurones et sur les systèmes nerveux central et périphérique. Par exemple, plusieurs études ont démontré les effets nocifs du bisphénol A (BPA) et du bisphénol S (BPS) sur la santé humaine. Les embryons de poisson exposés au BPA et BPS démontrent un comportement hyperactif [2] [3]. Au niveau neuronal, les chercheurs.es ont démontrés chez ces embryons une neurotoxicité due à une accumulation de cellules neuronales [2] [3]. Tout comme une activité physique intense, soutenue et sans aucun repos peut avoir des effets dommageables sur nos muscles, une hyperactivité neuronale se veut néfaste pour le système nerveux central. En effet, lorsque nos neurones sont activés, ils relâchent entre autres des déchets cellulaires qui sont éliminer naturellement par divers processus. Or, lorsqu’il y a une activité neuronale anormalement soutenue, voire une hyperactivité neuronale, il y peut y avoir une accumulation de déchets toxiques pouvant mener à la perte de nos précieux neurones.
Des altérations du système endocrinienComposé d'organes et de glandes comme la glande thiroïde et les gonades (ovaires et testicules). Ce système s'occupe de la sécrétion d'hormones à travers le corps (oestrogènes, cortisol, etc.). du poisson-zèbre ont également été identifiées suite à l’exposition à d’autres contaminants tels que les phtalates qui diminuent la testostérone chez les males [4] et les nanoparticules de silice et de chlorure de cadmium – utilisés notamment pour la coloration industrielle des fameux taxis new-yorkais – qui diminuent la qualité des ovaires des femelles et provoquent des malformations chez les embryons naissants [5]. Une étude canadienne a aussi révélé que le système endocrinien et reproducteur des femelles sont également affectés par l’exposition au 1,2,5,6-tetrabromocyclooctane, un retardateur de flamme [6].
Les herbicidesSubstance active ou préparation phytosanitaire permettant de tuer les plantes considérées comme indésirables. à base de glyphosate, dont le Roundup®, ont également fait l’objet d’études de toxicologie à l’aide de poisson-zèbre. En effet, en plus de démontrer que leurs effets néfastes et destructeurs affectaient non pas seulement les plantes, mais aussi la faune, les études ont démontrées que les poissons exposés au glyphosate sont sévèrement affectés. Par exemple, une étude indépendante a démontré que le Roundup affecte négativement la morphologie des yeux et du cerveau des embryons ainsi que l’espace ventriculaire du cerveau [7] [8]. Il a également été soulevé que l’exposition aux composées neurotoxiques de pesticides entraine la perte de neurones impliqués dans la locomotion des poisson-zèbre [7].
Image d’une portion du tronc du poisson-zèbre au stade larvaire capturée à l’aide d’un microscope confocal à balayage laser où les noyaux cellulaires et cellules musculaires sont identifiées à l’aide de marqueurs fluorescents spécifiques. On peut aussi dire : Noyaux cellulaires et structure du tronc du poisson-zèbre identifies sélectivement à l’aide d’outils (anticorps) fluorescents.
Comment mesure-t-on la toxicité d’un contaminant ?
Les chercheur.e.s ont établi plusieurs tests et mesures pour évaluer les effets toxiques des molécules dites exogènes, c’est-à-dire provenant de l’extérieur de l’organisme. Les effets sur la physiologie générale du poisson-zèbre et à l’échelle microscopique peuvent ainsi être identifiés.
En ajoutant les molécules étudiées dans le milieu aquatique des poissons-zèbres, il est possible de comparer leur taux de survie ainsi que le développement, tant au niveau embryonnaire qu’au stade adulte. Il est également possible d’étudier la toxicité de composants chimiques sur les poissons-zèbres directement au niveau des cellules. Les étapes du développement neuronal sont si bien décrites que l’on peut identifier des retards sur le développement cérébral aussi petits qu’un quart d’heure [9]. Les chercheur.e.s comparent notamment le nombre de cellules neuronales et même leur migration en temps réel en lien avec l’exposition à une substance chimique et peuvent ainsi mesurer les effets de cette substance sur l’organisation du système nerveux central des poissons-zèbres.
• Les poissons-zèbres sont des poissons tropicaux originaire de l’Asie du Sud.
• On les a nommés ainsi en référence à leurs rayures le long de leur corps.
• Lorsque les femelles pondent leurs œufs, elles peuvent produire entre 50 et 300 œufs en une seule portée.
• Les embryons sont transparents et il est possible d’observer les organes et structures internes simplement en les examinant sous le microscope.
• La grosseur des poissons-zèbres évolue de 2 millimètres au stage embryonnaire et atteint en moyenne 4 centimètres à l’âge adulte.
- Howe, K., et coll. (2013). The zebrafish reference genome sequence and its relationship to the human genome. Nature, 496(7446), 498-503. https://doi.org/10.1038/nature12111
- Kinch, C. D., Ibhazehiebo, K., Jeong, J. H., Habibi, H. R. et Kurrasch, D. M. (2015, Feb 3). Low-dose exposure to bisphenol A and replacement bisphenol S induces precocious hypothalamic neurogenesis in embryonic zebrafish. Proc Natl Acad Sci U S A, 112(5), 1475-1480. https://doi.org/10.1073/pnas.1417731112
- Kinch, C. D., Kurrasch, D. M. et Habibi, H. R. (2016). Adverse morphological development in embryonic zebrafish exposed to environmental concentrations of contaminants individually and in mixture. Aquatic Toxicology, 175, 286-298. https://doi.org/10.1016/j.aquatox.2016.03.021
- Sohn, J., Kim, S., Koschorreck, J., Kho, Y. et Choi, K. (2016, Dec 15). Alteration of sex hormone levels and steroidogenic pathway by several low molecular weight phthalates and their metabolites in male zebrafish (Danio rerio) and/or human adrenal cell (H295R) line. J Hazard Mater, 320, 45-54. https://doi.org/10.1016/j.jhazmat.2016.08.008
- Liu, P., Zhao, Y., Wang, S., Xing, H. et Dong, W. F. (2021, Jul 28). Effect of combined exposure to silica nanoparticles and cadmium chloride on female zebrafish ovaries. Environ Toxicol Pharmacol, 87, 103720. https://doi.org/10.1016/j.etap.2021.103720
- Van Essen, D., Alcaraz, A. J. G., Miller, J. G. P., Jones, P. D., Doering, J. A. et Wiseman, S. (2021, Aug 3). The brominated flame retardant, TBCO, impairs oocyte maturation in zebrafish (Danio rerio). Aquat Toxicol, 238, 105929. https://doi.org/10.1016/j.aquatox.2021.105929
- Kalyn, M., Hua, K., Mohd Noor, S., Wong, C. E. D. et Ekker, M. (2019, Dec 28). Comprehensive Analysis of Neurotoxin-Induced Ablation of Dopaminergic Neurons in Zebrafish Larvae. Biomedicines, 8(1). https://doi.org/10.3390/biomedicines8010001
- Roy, N. M., Carneiro, B. et Ochs, J. (2016, Mar). Glyphosate induces neurotoxicity in zebrafish. Environ Toxicol Pharmacol, 42, 45-54. https://doi.org/10.1016/j.etap.2016.01.003
- Kimmel, C. B., Ballard, W. W., Kimmel, S. R., Ullmann, B. et Schilling, T. F. (1995, Jul). Stages of embryonic development of the zebrafish. Dev Dyn, 203(3), 253-310. https://doi.org/10.1002/aja.1002030302