Les polybromodiphényléthers (PBDEs) sont des retardateurs de flammes qui peuvent se détacher des objets auxquels ils sont ajoutés et se retrouver dans notre environnement. Les enfants ont une plus grande exposition aux PBDEs que les adultes et des études démontrent que le développement des enfants en est affecté, incluant la cognition. Cet effet n’est pas systématiquement observable chez tous les enfants exposés, mais il est important à l’échelle de la population.
On estime que les enfants sont exposés aux PBDEs de 3 à 9 fois plus que les adultes [9]. Les plus grandes concentrations de PBDEs observées dans le corps des jeunes enfants s’expliquent en grande partie par leur plus petite taille, mais aussi à cause de certains comportements propres aux enfants, tels que jouer au sol et porter les objets à leur bouche. La recherche suggère que l’exposition aux PBDEs pourrait être associée négativement au développement cognitif et au comportement des enfants [7]. Bien que les PBDEs ont été bannis progressivement entre 2006 and 2012, on sait que l’exposition va perdurer pour les années et décennies à venir puisque les PBDEs sont des polluants organiques persistants [9].
Les PBDEs : c’est quoi au juste?
Les polybromodiphényléthers (ou plus communément, les PBDEs) sont des retardateurs de flammes ajoutés à des biens de consommation et objets ménagers, tels que les meubles rembourrés, vêtements et électroménagers [3], [9]. Leur utilisation visait à diminuer le risque de propagation de flammes dans ces objets.
Comment sommes-nous exposés aux PBDEs?
Les PBDEs peuvent s’échapper des objets auxquels ils sont ajoutés puisque leur liaison chimique est faible.
Ainsi, des particules de PBDEs peuvent se retrouver dans notre environnement quotidien [2]. L’exposition survient principalement à travers des particules qui se sont déposées dans la poussière à la maison, qu’on peut ensuite inhaler ou ingérer accidentellement [3]. C’est pourquoi les jeunes enfants, qui passent beaucoup de temps au sol et portent souvent leurs mains à leur bouche, ont une plus grande exposition que les adultes [6].
Comment les PBDEs affectent-ils le développement cognitif des enfants?
Les chercheurs sont particulièrement intéressés aux effets des PBDEs sur le développement des tout-petits. En effet, les bébés et les jeunes enfants sont plus à risque que les adultes puisqu’ils sont en développement. Leur cerveau est en pleine croissance et donc plus facilement affecté par leur environnement. Celui-ci peut être positif (p. ex., les bienfaits d’un milieu riche en stimulations sociales) ou négatif dans le cas de l’exposition aux substances chimiques, rendant ainsi les enfants plus vulnérables aux risquesProbabilité qu'une personne subisse des effets nocifs pour sa santé en cas d'exposition à un contaminant (danger) associés aux PBDEs [5].
Des études ont notamment cherché à déterminer l’impact de l’exposition aux PBDEs pendant la grossesse ou la petite enfance sur le développement cognitif des enfants. Pour ce faire, des scientifiques de différentes équipes (principalement en Amérique du Nord et en Europe) ont recruté des cohortes de femmes enceintes, puis ont suivi leurs enfants au fil des années. Ces études montrent que l’exposition aux PBDEs pendant la grossesse ou pendant la petite enfance est associée à une légère réduction du score de quotient intellectuel chez les enfants [4], [7]. De plus, certaines études indiquent une légère augmentation de problèmes d’organisation, d’attention, et d’hyperactivité, soit des symptômes du trouble du déficit de l’attention avec/sans hyperactivité ou TDAH. Ces résultats sont cependant peu consistants d’une étude à l’autre [4], [7].
Les contaminants tels que les PBDEs peuvent affecter le développement par différents moyens. Dans le cas des PBDEs, leur structure chimique ressemble aux hormones thyroïdiennes, lesquelles jouent un rôle clé dans le développement du cerveau pendant la grossesse. Les PBDEs peuvent ainsi déstabiliser les niveaux d’hormones thyroïdiennes maternelles en s’attachant à leurs récepteurs. Cela viendrait perturber le développement du cerveau pendant la grossesse et mènerait ensuite aux problèmes de développement cognitif et de comportements observés dans plusieurs études [2], [4].
Faut-il s’inquiéter de la situation?
Tout d’abord, tel que mentionné plus tôt, les PBDE sont bannis depuis plusieurs années au Canada. On ne les retrouve donc plus dans des objets neufs. Par contre, les PBDEs sont des contaminants persistants et peuvent donc être relâchés dans nos environnements pour plusieurs années [9].
Il est aussi important de mentionner que la diminution de la fonction cognitive ou l’augmentation de problèmes de comportements dans les études n’est pas nécessairement visible d’un enfant à l’autre. Il est très difficile, voire impossible, de distinguer un enfant exposé aux PBDE d’un enfant non-exposé sur la base de leur quotient intellectuel si celui-ci diffère seulement de quelques points. En effet, pour une concentration corporelle de PBDEs 10 fois plus grande, on parle d’une diminution de quotient intellectuel de 3.7 points en moyenne [7] alors qu’une différence notable se situerait plutôt dans l’ordre de 15 points et plus ! Là où il y a lieu de s’interroger, c’est plutôt par rapport à l’impact de ces changements au niveau populationnel. En effet, même si l’effet est petit au niveau individuel, il est important à l’échelle de la société.
Comprendre l’effet populationnel d’un contaminant
Une étude américaine sur l’exposition des enfants au plomb a estimé qu’une diminution de 5 points du QI moyen de la population pourrait augmenter le nombre d’enfants ayant une déficience intellectuelle de 57%, c’est-à-dire passant de 6 millions à 9.3 millions [8].
De manière similaire, certaines études indiquent que le nombre moyen de symptômes de trouble du déficit de l’attention avec/sans hyperactivité (TDAH) dans la population générale est de 1 ou 2 [8] alors qu’il en faut au moins 6 pour recevoir un diagnostic de TDAH [1]. Selon des études américaines portant sur l’exposition au plomb ou au tabac, si le nombre moyen de symptômes dans la population passait de 1-2 à 3-4, le pourcentage d’enfants ayant suffisamment de symptômes pour recevoir un diagnostic de TDAH pourrait doubler, passant de 5-7% à 13-16% [8].
Bien que ces exemples soient tirés d’études portant sur d’autres contaminants, le principe reste le même : un changement qui semble petit au niveau individuel peut avoir un effet majeur lorsqu’il est appliqué à l’échelle de la population.
Étude spécifique sélectionnée :
- Azar, N., Booij, L., Muckle, G., Arbuckle, T. E., Séguin, J. R., Asztalos, E., Fraser, W. D., Lanphear, B. P., & Bouchard, M. F. (2021). Prenatal exposure to polybrominated diphenyl ethers (PBDEs) and cognitive ability in early childhood. Environment International, 146, 106296. https://doi.org/10.1016/j.envint.2020.106296.
Articles, sites web et reportages:
En anglais :
- https://littlethingsmatter.ca et plus spécifiquement, https://littlethingsmatter.ca/pbdes-pfcs/ (site web)
- https://www.nytimes.com/2020/11/23/parenting/home-flame-retardants-dangers.html (article)
- https://www.youtube.com/watch?v=eHMXhw89Ra4&t=16s&ab_channel=CBCNews (reportage)
En français (articles) :
- American Psychiatric Association. (2013). Diagnostic and statistical manual of mental disorders (5th ed.). https://doi.org/10.1176/appi.books.9780890425596.
- Costa, L.G., Giordano, G., 2007. Developmental neurotoxicity of polybrominated diphenyl ether (PBDE) flame retardants. Neurotoxicology 28, 1047-1067. https://doi.org/10.1016/j.neuro.2007.08.007.
- Frederiksen, M., Vorkamp, K., Thomsen, M., et al., 2009a. Human internal and external exposure to PBDEs: A review of levels and sources. International Journal of Hygiene and Environmental Health, 212, 109-134. https://doi.org/10.1016/j.ijheh.2008.04.005.
- Gibson, E. A., Siegel, E. L., Eniola, F., Herbstman, J. B., & Factor-Litvak, P. (2018). Effects of polybrominated diphenyl ethers on child cognitive, behavioral, and motor development. International Journal of Environmental and Public Health, 15, 1636. https://doi.org/10.3390/ijerph15081636.
- Grandjean, P. & Landrigan, P. J. (2014). Neurobehavioural effects of developmental toxicity. Lancet Neurology, 13, 330-338. http://dx.doi.org/10.1016/S1474-4422(13)70278-3.
- Klinčić, D., Dvoršćak, M., Jagić, K., Mendaš, G., & Romanić, S. H. (2020). Levels and distribution of polybrominated diphenyl ethers in humans and environmental compartments: A comprehensive review of the last five years of research. Environmental Science and Pollution Research, 27, 5744-5758. https://doi.org/10.1007/s11356-020-07598-7.
- Lam, J., Lanphear, B., Bellinger, D., Axelrad, D.A., McPartland, J., Sutton, P., Davidson, L., Daniels, N., Sen, S., & Woodruff, T.J. (2017). Developmental PBDE exposure and IQ/ADHD in childhood. A systematic review and meta-analysis. Environmental Health Perspectives, 125(8), 086001. https://doi.org/10.1289/EHP1632.
- Lanphear, B. (2015). The impact of toxins on the developing brain. Annuel Review of Public Health, 36, 211-230. https://doi.org/10.1146/annurev-publhealth-031912-114413.
- Linares, V., Bellés, M., & Domingo, J. (2015). Human exposure to PBDE and critical evaluation of health hazards. Archives of Toxicology, 89, 335-356. https://doi.org/10.1007/s00204-015-1457-1.